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26 février 2025
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Swisstopo/Montage: muellerluetolf.ch

Peter Schilliger veut rendre plus difficile l'introduction de la limitation de vitesse à 30 km/h

La hiérarchisation du réseau routier est devenue une réalité, et certains milieux veulent l’ancrer dans la loi. Mauvaise idée. Il serait préférable d’étendre autant que possible le 30 km/h, qui n’a que des avantages.

Les transports incluent les vélos, bus et trams, ainsi que les voitures et véhicules utilitaires, tout comme les personnes qui se déplacent à pied. Il s’agit d’un système à optimaliser selon le contexte, en privilégiant le mode de transport le plus efficace, pratique et durable pour un trajet donné. Malheureusement, cela va à l’encontre des habitudes routières actuelles. La voiture individuelle est souvent le seul synonyme de «moyen de déplacement». 

Mais quel rapport avec la limitation de vitesse à 30 km/h? La motion «Consolider la hiérarchie du réseau routier à l’intérieur comme à l’extérieur des localités » de Peter Schilliger, conseiller national PLR, veut rendre plus difficile, voire impossible l’introduction du 30 km/h. L’auteur invoque la fonction du réseau routier: les axes de transit seraient à orientation trafic et la vitesse devrait y être de 50 km/h.

Les routes ont des fonctions définies dans les normes VSS. La loi sur la circulation routière ne mentionne pas de hiérarchie. La législation nationale proposée par M. Schilliger restreindrait l’autonomie des cantons et des communes.

L’objectif principal d’une route traversant une localité ne devrait pas être de faire passer des voitures.

De mauvais arguments

Le raisonnement avancé par Peter Schilliger peine à convaincre: selon lui, généraliser la limitation de vitesse à 30 km/h entraînerait un trafic d’évitement, qui menacerait la sécurité et la qualité de vie dans les quartiers résidentiels et les périphéries urbaines. Ce discours rappelle celui des adeptes de l’extension autoroutière récemment refusée en votation. Pourtant, dans les deux cas, la réalité est identique: les voitures ne disparaissent pas d’elles-mêmes.

Le Conseil fédéral n’est pas convaincu non plus: l’avis de spécialistes est aujourd’hui nécessaire pour limiter la vitesse à 30 km/h sur des axes de transit. Réglementer par loi ou ordonnance n’aurait pas d’impact sur le droit en vigueur. L’exécutif a donc recommandé aux parlementaires de rejeter la motion Schilliger. Mais ces dernières et derniers ont fait la sourde oreille. Le Conseil national a adopté la motion par 102 voix contre 79 et trois abstentions lors de la session d’automne 2023. Au printemps 2024, le Conseil des États a suivi avec 25 voix pour, 15 contre et trois abstentions. Le Conseil fédéral a repris le dossier et mettra bientôt un projet de loi en consultation.

Un précieux acquis en péril

La hiérarchisation des routes est aujourd’hui une réalité, mais elle doit être revue pour favoriser une mobilité respectueuse des êtres humains, de l’environnement et du climat. L’objectif principal d’une route traversant une localité (voie à orientation trafic) ne devrait pas être de faire passer des voitures. Il faut adopter une nouvelle mentalité et mettre en place des mesures comme la limitation de vitesse à 30 km/h dans les zones urbaines. Inscrire les hiérarchies routières dans la loi anéantirait l’acquis le plus important de la politique des transports des dernières décennies.

Et les premiers effets se font déjà sentir. Dans le canton de Berne, des projets de limitation de vitesse à 30 km/h ont été stoppés – par anticipation, pourrait-on dire – à cause de la motion Schilliger. Le Conseil d’État envisage un moratoire sur les nouvelles zones 30, mais sa validité juridique reste incertaine.

La limitation de vitesse à 30 km/h est également remise en question dans d’autres cantons, notamment Genève, Zurich, Bâle et Lucerne. À Zurich, l’«initiative mobilité» propose de limiter la vitesse à 50 km/h sur les artères principales et une initiative pour les transports publics réclame qu’ils ne soient pas gênés par des mesures architecturales ou de circulation. Les communes auraient sinon à assumer les coûts additionnels. La liste n’a rien d’exhaustif, les arguments se répètent: le trafic devrait être «fluide», les transports publics seraient entravés par les limitations, voire rendus peu attractifs. Une étude sur le fonctionnement des transports publics à 30 km/h, réalisée en 2023 par Metron Verkehrsplanung AG pour l’ATE, a démontré la fragilité de ces arguments.

Une meilleure protection contre le bruit

Quand on voit les nombreux avantages de la limitation de la vitesse à 30 km/h, il est difficile de comprendre le vent contraire qui souffle actuellement en politique. Le 30 km/h constitue notamment une mesure essentielle de protection contre le bruit. En Suisse, une personne sur sept souffre du bruit routier excessif, qui entraîne des problèmes de santé et des coûts élevés.

Les voitures roulant à 30 km/h au lieu de 50 km/h font baisser le niveau sonore d’environ 3 décibels, l’équivalent d’une diminution de moitié du trafic. Une vitesse réduite est très efficace pour atténuer les pics sonores. À noter que l’électrification des véhicules ne représente pas une solution, car le bruit du roulement et du déplacement d’air domine à partir de 25 km/h, quel que soit le mode de propulsion.

Des routes plus sûres

Rouler à 30 km/h plutôt qu’à 50 km/h améliore considérablement la sécurité routière. Cela permet d’éviter environ un tiers des accidents graves et, lorsque des collisions surviennent, elles causent en général moins de dommages, car la distance d’arrêt est réduite de moitié. La mesure profite avant tout aux piéton·nes, cyclistes, motocyclistes, personnes âgées et enfants. Le potentiel de diminution du nombre de victimes est élevé sur les axes de transit, justement là où la motion Schilliger veut empêcher désormais de limiter la vitesse à 30 km/h.

Les vélos sont efficaces pour réduire la congestion automobile dans les quartiers: 63 % des trajets en voiture font moins de 10 kilomètres, et plus de 40 % moins de 5 kilomètres. Cette distance se parcourt facilement à vélo. Les gens sont plus enclins à l’utiliser si leur vitesse est similaire à celle d’un autre mode de transport, car leur sentiment de sécurité augmente.

Les automobilistes en profitent aussi

Les automobilistes profitent également de la limitation de vitesse à 30 km/h, puisque le trafic devient plus fluide et les embouteillages moins fréquents, surtout dans les localités. La durée de l’attente diminue aux passages piétons, y compris pour les voitures. Cela est particulièrement vrai sur les routes principales.

L’Association suisse des ingénieurs et experts en transports (SVI) constate, dans son rapport de recherche de 2019, qu’une réduction de la vitesse maximale de 50 à 30 km/h n’a généralement pas d’influence déterminante sur la capacité (nombre maximal de véhicules par heure). En localité, la capacité maximale se situe d’ordinaire entre 30 et 35 km/h. Et chaque fois que l’on effectue un trajet à pied ou à vélo plutôt qu’en voiture parce qu’on trouve des conditions favorables sur la route, celle-ci sera moins encombrée.

En outre, la diminution du bruit, des accidents et des dommages à l’environnement fait baisser les coûts externes très élevés du trafic motorisé. Les quartiers résidentiels placés le long des axes de circulation deviennent plus attrayants, les centres-villes en profitent et l’espace public peut être utilisé de manière plus variée et plus intensive. Le tout à moindres frais, puisque limiter la vitesse à 30 km/h ne nécessite pas forcément de transformations.

Nous nous mobilisons!

Pour toutes ces raisons, nous nous engagerons pleinement en faveur de la limitation de vitesse à 30 km/h. Les propositions et attaques actuelles vont clairement dans la mauvaise direction, mettant en péril des acquis essentiels pour la qualité de vie de la population suisse. Une vitesse limitée à 30 km/h – comme toute forme de limitation de vitesse, en réalité – a toujours des effets positifs. Nous avons commencé par lancer la pétition «NON à l’interdiction du 30 km/h» (informations détaillées dans l’encadré) et nous interviendrons dans la procédure de consultation. La loi est soumise au référendum facultatif; nous y recourrons si le recul que nous craignons devait se produire.