Un engagement historique
En avril, les Aînées pour le climat Suisse ont remporté une victoire importante à la Cour européenne des droits de l’homme. Pour Pia Hollenstein, il vaut la peine de lutter férocement contre la crise climatique, quelle que soit la génération à laquelle on appartient.
Le jugement rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’affaire qui opposait les Aînées pour le climat à la Suisse échauffe les esprits. Chez les juristes, on se divise sur la question de savoir si la protection face aux effets des changements climatiques est un droit humain. Le Parlement veut obliger le Conseil fédéral à ignorer le verdict de la CEDH et le camp populiste demande que la Suisse quitte le Conseil de l’Europe.
Pia Hollenstein (74 ans), ancienne conseillère nationale et ancienne membre du Comité central de l’ATE, a accompagné toute la procédure. En 2016, elle faisait partie des fondatrices de l’association Aînées pour le climat Suisse, soutenue par Greenpeace. L’objectif de l’association était d’exiger, par voie juridique, une meilleure protection du climat. En effet, selon l’Office fédéral de la santé, la fréquence en hausse des vagues de chaleur est un risque pour la santé cardiovasculaire des femmes d’un certain âge.
La responsabilité du Conseil fédéral
Les tribunaux suisses n’étant pas entrés en matière sur la requête des Aînées, elles l’ont portée devant la CEDH. Pour la première fois, la cour a examiné s’il y avait violation des droits humains quand un État ne prend pas assez de mesures pour protéger ses citoyennes et citoyens des conséquences de la crise climatique. Les Aînées pour le climat ont obtenu gain de cause. Selon les juges, la Suisse n’a pas suffisamment rempli ses obligations en matière de protection.
Pour Pia Hollenstein, il ne fait aucun doute que le Conseil fédéral doit maintenant revoir sa copie: «Il devrait reconnaître que le verdict de la cour est une opportunité de prendre les mesures nécessaires pour mieux protéger le climat. Le principe de précaution et celui de durabilité inscrits dans la Constitution sont un mandat et une obligation.» Car la Suisse n’a aucun intérêt à donner l’impression au reste du monde qu’elle ne respecte pas les droits humains.
Contre sa propre impuissance
Voir des femmes à la retraite se battre huit ans pour une cause fait forte impression. Déjà très touchées par les vagues de chaleur, elles savent que les jeunes générations auront encore plus à souffrir qu’elles des conséquences de la crise climatique. Pourquoi cet engagement? Même retraitée, Pia Hollenstein voulait participer à l’effort commun. «Si je ne faisais rien, je me sentirais impuissante. Je préfère m’impliquer dans une cause que j’estime importante.» Les Aînées ont utilisé tous les canaux de notre démocratie, même si la voie juridique a demandé une grande endurance.
Il est rare qu’une association procède de cette manière: la voie politique est plus courante. Cette forme d’engagement n’est cependant pas accessible à n’importe qui. Tout le monde n’a pas la volonté nécessaire ni les mêmes possibilités. Par exemple, les participantes et les participants à la grève pour le climat n’ont pas forcément déjà le droit de voter.
Pia Hollenstein comprend le sentiment de frustration des jeunes face à la lenteur des rouages politiques. Elle les exhorte à ne pas baisser les bras et à trouver la force de continuer de réclamer des mesures à voix haute. «L’impuissance est plus facile à surmonter collectivement et en bonne compagnie, comme chez nous, les Aînées, où l’engagement est même un plaisir.» Il est aussi important que les générations collaborent: les Aînées ont donc aussi participé à la grève pour le climat. Elles poursuivent en fin de compte le même objectif que les jeunes.
Mais Pia Hollenstein rappelle que l’on peut aussi s’engager sans forcément descendre dans la rue. En démocratie, voter et élire est un devoir. Les possibilités d’action sont nombreuses. Elle-même publie régulièrement des informations sur les votations dans son statut WhatsApp: «On peut aussi s’engager simplement en mettant un autocollant contre la folie autoroutière sur sa voiture!»