#Espace public

Une promenade exemplaire

Edith Weber – Magazine ATE no 1 / 2022

L’espace public implique un certain nombre de défis pour les seniors.

La promenade de notre rédactrice à travers la ville de Berne en dévoile quelques-uns – comme des amorces de solution.

Le samedi à Berne, la Place fédérale se transforme en place de marché, animée et bariolée. À la vue des marchandises joliment arrangées, mille idées de recettes alléchantes naissent dans mon esprit. Mes achats effectués et après un café avec une amie, je décide de rentrer à la maison à pied. Cette fois, je considèrerai mon trajet tout particulièrement du point de vue d’une personne âgée.

Celles-ci vont souvent à pied – selon le Microrecensement mobilité et transports, les trajets piétons ne font que croître à partir de 65 ans, et ce jusqu’à un âge avancé. En tant que gérontologue de formation, j’ai bien conscience des défis auxquels les personnes âgées sont confrontées dans l’espace public. Quelles difficultés et quels dangers rencontrentelles et quels sont les moyens d’y remédier? C’est ce que j’aimerais montrer au fil de ma promenade.

Haltes et dépassements

Mon trajet me mène de la Place fédérale à la Bundeshausterrasse. J’y admire la magnifique vue sur l’Aar et, au-delà, sur le trio Eiger, Mönch et Jungfrau. De nombreux bancs invitent à une petite halte. C’est précisément ce que les personnes âgées apprécient de trouver sur leur parcours. 

Peu avant la tête de pont, des renflements se sont formé s au fil des ans, dus au parking souterrain. Par endroit, ils atteignent près de quatre centimètres. Cela peut sembler peu, mais pour des personnes dont le pied n’est plus très sûr, c’est traître. Et particulièrement lorsque le sol est recouvert de feuilles mortes, comme c’est le cas en cette journée d’automne: il devient très difficile d’identifier les inégalités de terrain. Je dois veiller à ne pas me tordre la cheville.

Je traverse ensuite la Kirchenfeldbrücke, qui relie le quartier de Kirchenfeld à la vieille ville bernoise. Mon regard se porte sur l’arrêt de tram, que je n’utiliserai pas aujourd’hui: il est conçu de façon à ce que l’accès au véhicule soit à niveau, du moins avec les trams à plancher surbaissé. Je sais à quel point cela compte, car les franchissements effrayent les personnes plus âgées.

À propos d’arrêt: si les panneaux d’information digitaux indiquaient la distance jusqu’à l’arrêt suivant, certaines personnes seraient parfois encouragées à parcourir ce chemin à pied, au lieu d’attendre sans bouger.

Trébuchement et îlots médians

Au bout du pont apparaissent les bâtisses de la Kunsthalle et du Musée historique de Berne. Je suis la Thunstrasse jusqu’à la Thunplatz à travers le magnifique quartier de Kirchenfeld. Le côté droit de la route est bordé d’un large trottoir. La piétonne que je suis doit malheureusement y partager son espace avec des cyclistes, ce qui provoque régulièrement des situations difficiles et pénibles. Les personnes âgées – comme les plus jeunes enfants – sursautent lorsque les vélos dépassent en les frôlant sans avertir. 

Au giratoire de la Thunplatz, je traverse la Kirchenfeldstrasse sur le passage piéton. Il y a pourtant un séparateur de trafic au milieu – plus communément appelé îlot –, ce qui vise à augmenter la sécurité des enfants et des personnes âgées. Je me sens néanmoins peu sécurisée en traversant cet axe fréquenté. Lorsque je suis au milieu, des véhicules déboulent derrière moi à grande vitesse sur la voie de gauche. Celle de droite est double; et je
suis jamais très sûre que les conducteurs et conductrices de la voie extérieure me voient avancer sur le passage piéton. Une telle situation provoque de l’insécurité et de l’anxiété chez les personnes dont les capacités de réactions sont limitées.

Des racines et des voleurs

Me voilà enfin arrivée de l’autre côté, c’est-à-dire à la lisière de la forêt du Dählhölzli. Là, je prends en direction du quartier d’Elfenau et tombe sur un nouvel obstacle: des racines d’arbres déchirent l’asphalte à plusieurs endroits – occasions parfaites de trébucher. Si je partage là aussi mon chemin avec les vélos, du moins celui-ci est-il bien fréquenté. Une situation que les seniors apprécient, puisqu’elle les rassure dans leur crainte d’être victime d’une agression.

Pour la dernière partie de mon trajet, j’emprunte un beau chemin piéton. L’espace est suffisant pour éviter les cyclistes venant en sens inverse. Des deux côtés, la pente nécessite néanmoins de bonnes réactions et une certaine acuité visuelle pour ne pas se tordre la cheville et se blesser.

Remède miracle: bouger

C’est le moment le plus paisible de mon trajet de retour, et il me donne l’occasion de réfléchir. Contrairement aux générations précédentes, les personnes plus âgées sont aujourd’hui moins sollicitées par des travaux physiques astreignants. Un exercice régulier, qu’il s’agisse de faire ses courses, se promener, faire du vélo ou de la musculation, est devenu d’autant plus important. Le mouvement ne se répercute pas seulement sur la qualité de vie et le bien-être, il protège aussi de pathologies tels la pression artérielle, les maladies cardio-vasculaires ou le surpoids. Il permet aussi de rester plus longtemps autonome et favorise la bonne santé intellectuelle.

Arrivée chez moi, je déballe mes fruits et légumes et me réjouis de la belle promenade sous le soleil automnal que je viens de vivre. Quand je serai plus âgée, pourrai-je encore poursuivre ces sorties hebdomadaires au marché? Si les trajets tenaient aussi compte des besoins des plus âgé·es, mon rituel du samedi pourrait même durer 20 ans encore. Je continuerais ainsi à participer à la vie publique, à soigner mes contacts et à éviter la solitude. Je ne suis pas la seule à le souhaiter: selon l’Office fédéral des statistiques, les plus de 65 ans pourrait représenter plus de 25% de la population d’ici 2050, contre 18,9% actuellement.

   

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