D’Obwald à Nidwald en passant par Berne

Pas de bâtiment sacré, mais un ascenseur panoramique sur Melchsee-Frutt et une superbe vue sur les montagnes.

Des sentiers promènent pèlerins et randonneurs à travers le patrimoine sacré de la Suisse centrale. Nous avons testé deux étapes de ce pèlerinage, qui laisse croire même aux esprits libres que le ciel est à portée de main.

À Stöckalp, il s’en est fallu de peu: un mètre plus loin dans la file d’attente de la télécabine Melchsee-Frutt et nous étions obligés – pour ne pas nous faire regarder de travers – de nous enfiler dans une cabine faisant de la publicité pour la section régionale du TCS. L’air amusé, nous embarquons dans la cabine suivante. Nous nous asseyons en cercle car, ce dimanche matin, nous avons déjà voyagé debout depuis Sarnen dans un car postal conduit avec maestria.

Melchsee-Frutt n’a rien à envier aux villages alpins. De nombreux hôtels et des constructions à l’architecture contemporaine intéressante voire très réussie. Le lac, lisse comme un miroir, semble incrusté dans le haut plateau qui s’étend devant nous. Au sud, en direction de la vallée du Hasli, on aperçoit le flanc d’une montagne. Légèrement vallonné, il fait partie du domaine skiable de la région, mais le paysage demeure intact de loin.

Et des marmottes

En été, Frutt est un paradis pour les familles: places de jeux très bien aménagées, baignade dans le lac, location de pédalos, plus de 170 voies d’escalade de difficulté 3 à 7 et une via ferrata à Bonistock. Le tour du lac peut se faire avec une poussette, et un parcours ludique en dix postes fait découvrir aux enfants l’univers d’un animal emblématique des Alpes: «Bonjour! Imagine que tu es une marmotte. Dans le terrier, tu trouveras la première pierre de Fruttli.» À partir de là, les enfants doivent avoir les yeux qui pétillent. Dix minutes plus tard, alors que nous buvons un café sur la rive du lac, nous entendons les cris des enfants dans le terrier du poste 10: «Une marmotte!» Une fausse évidemment mais plus vraie que nature.

À l’est, on aperçoit le Titlis et son sommet enneigé. Un sentier qui monte et qui descend légèrement nous mène au Tannensee. Nous prenons le chemin caillouteux sur la rive sud du lac. Sur la rive nord, un petit train mène les touristes à l’auberge de Tannalp. Il sert sûrement à appâter les touristes qui s’aventurent pour la première fois sur les sentiers de montagne …

Le charme de l’Engstlenalp

À Tannalp, nous visitons la petite chapelle dans un style épuré tout juste inspiré de la Réforme. Puis, nous nous dirigeons vers le troisième lac sur l’Engstlenalp. Une vue imprenable sur le trident Wetterhorn, Mittelhorn et Rosenhorn fait concurrence au Titlis. En quittant le canton d’Obwald pour le canton de Berne, les sentiers de randonnée, jusque-là accessibles, deviennent plus escarpés et les adeptes de VTT doivent pousser leur vélo. Surplombant le Gental et une falaise abrupte, le chemin nous mène à l’Engstlenalp, un site protégé qui nous ravit aussitôt avec ses petits chalets et son hôtel datant de 1892. Le car postal qui monte jusque-là circule depuis peu sous les auspices de l’Association Bus alpin.

L’Engstlensee a quelque chose de mystique dans sa cuvette. Deux sommets, le Wendenstöcke et le Reissend Nollen, surplombent ce lac de montagne. Des petits glaciers s’accrochent sur leur face nord et deux d’entre eux en forme de lune dessinent un cercle. Le glacier est grie à part un joli manteau blanc qui paraît déjà si fragile.

Hells Bells, un trail d’enfer

La seule montée digne de ce nom arrive enfin – direction Nidwald. Mais elle n’est pas indispensable: un télésiège menant au col du Joch grimpe le long du chemin. Il transporte surtout de jeunes sportifs – aucune femme sauf erreur de notre part – qui ont accroché leur VTT de descente sur le côté. Monter et descendre, et recommencer. Le trail, appelé «Hells Bells», peut faire peur sur un chemin de pèlerinage, mais il n’y a en réalité pas de tiraillement car randonneurs et sportifs ont chacun leur espace.

Au Trübsee, connu pour être le point de ralliement des touristes venus admirer le Titlis, règne une certaine agitation audible de loin. Nous passons le lac sans visiter la chapelle et optons pour la descente sur Untertrüebsee. Nous prenons le temps de visiter la magnifique abbaye bénédictine d’Engelberg, qui fait de cette vallée un endroit si particulier depuis l’an 1120. Dans la fromagerie et le magasin de produits régionaux de l’abbaye, les sentiers de pèlerinage tiennent leur promesse, mais les félicités, cette fois, sont culinaires.

Sepp et sa confiance en Dieu

Trois jours plus tard, nous testons la deuxième étape. Il y a peu de monde le long du chemin sauf à la cabane de Brunni, un site apprécié des parapentistes. Un sentier Kneipp recouvert de petits cailloux, de copeaux de bois et de pommes de pin qui invite ensuite à mettre les pieds dans l’eau froide, la boue et un bain à remous fait le tour du petit lac Härzli. Une découverte sensorielle pour les petits et les grands. Le sentier pieds nus menant à Hüttismatt prolonge l’expérience sur un kilomètre.

Le Walenpfad, l’un de nos plus beaux sentiers selon Suisse Tourisme, descend légèrement de Brunni à Walenalp pour remonter jusqu’au point culminant de Walegg (1943 mètres). Admiratifs, nous nous sentons tout petits au pied du Walenstöcke, ce molosse de roche calcaire qui rend visible ce que l’un des panneaux d’information nous a rappelé le long du chemin au sujet de la formation de la roche et des montagnes. Avant que des plis et des chevauchements ne se forment, le Titlis n’existait pas et il n’y avait que la mer. Sur les sentiers de pèlerinage, les sciences naturelles nous donnent aussi une leçon d’humilité.

Puis, le paysage change du tout au tout. Le Plateau s’étend devant nous et la fumée de la centrale nucléaire de Gösgen perce la brume. Il paraît même que l’on voit la Forêt-Noire quand le temps est clément. À la Walenhüttli, des pancartes écrites à la main nous offrent la possibilité de pique-niquer et de consommer des boissons. Signé: Sepp. Ce dernier est déjà à nos côtés pour nous montrer sa deuxième maison, dont la cuisine servait à l’époque à la fabrication du fromage. Sepp a repris la cabane et l’a très bien rénovée. Soigneusement empilées, les bûches sont prêtes si quelqu’un veut faire bouillir de l’eau. En cas de besoin, la cabane peut aussi accueillir des randonneurs pour la nuit. Sepp ne la ferme jamais. Chacun laisse ce qu’il veut dans les caisses de la cabane. Sans y croire, nous lui demandons s’il a déjà fait de mauvaises expériences. «Non, pas une fois en 30 ans!» répond cet homme d’un certain âge en riant dans sa barbe.

Chèvres paons et suite alpine

Après la cabane, un sentier magnifique, ouvert de mi-juin à fin octobre environ, longe le versant nord très abrupt du Walenstöcke. Les deux câbles métalliques servant de rampe permettent aux randonneurs de marcher en toute sécurité sans être pris de vertige quand ils plongent le regard vers la vallée 1000 mètres plus bas. L’exploitation bio de l’Alp Oberfeld vient récompenser nos efforts: en plus des espèces rares comme les chèvres paons, de son fromage frais et de sa viande séchée, l’auberge offre la possibilité de passer la nuit en dortoir ou dans sa «suite». Les autres auberges se trouvent un peu plus loin au bord du lac de Bannalp, un endroit idyllique et tranquille.

Deux téléphériques relient le lac à la vallée. Nous optons pour le téléphérique rouge et partons avec la dernière cabine. Comme nous sommes neuf et que la cabine peut accueillir «huit personnes ou 640 kilos au maximum», nous nous regardons les uns et les autres et faisons nos calculs. Nous rions de bon coeur pour oublier que nous nous balancerons dans le vide jusqu’à Oberrickenbach.

22 étapes, à composer selon ses envies

La Suisse centrale compte de nombreux chemins de pèlerinage. L’association «Sakrallandschaft Innerschweiz » propose plusieurs parcours («Himmlische Pfade») accessibles en transports publics qui vous feront découvrir des monuments sacrés célèbres et uniques au monde. Le parcours 1 se situe dans le canton de Lucerne; il part de Saint-Urbain sur le Plateau et passe par Luthern Bad, Heiligkreuz et Werthenstein pour arriver à Hergiswald. Le parcours 2 poursuit ce chemin et traverse Sachseln/Flüeli-Ranft (OW) – Engelberg – Maria-Rickenbach (NW) – Ingenbohl (SZ). Quant au troisième parcours, il traverse Einsiedeln, Muri et Beromünster et fait la boucle jusqu’au point de départ. Ces parcours s’adressent à ceux qui s’intéressent à notre patrimoine historique et artistique, mais aussi aux amoureux de la nature.

Randonnée des quatre lacs Melchsee-Frutt – Engelberg: environ 6 heures. On peut prendre le téléphérique au Trübsee pour éviter de descendre 750 mètres.

Engelberg – Bannalp: environ 5 heures. Une télécabine et un télésiège montent les 850 mètres jusqu’à la cabane de Brunni (vue et découvertes garanties pour ceux qui vont à pieds). Un car postal relie Oberrickenbach à Wolfenschiessen, où l’on rejoint la liaison ferroviaire «Engelberg–Lucerne».

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