Sur le chemin de St-Jacques-de-Compostelle

L’auteur, en route pour les Pyrénées.

Pèlerinage pour les uns, simple randonnée pour les autres: quelle que soit la raison du voyage, marcher sur les chemins de St-Jacquesde-Compostelle demeure une aventure hors normes et intemporelle. Récit d’une escapade à pied de près de 1 400 kilomètres à travers la France et l’Espagne, du Puy-en-Velay à Finisterre.

Mon périple a pris forme en mars 2019. Arrivant à la fin d’un stage après mes études, j’ai ressenti le besoin de repartir en voyage. Je désirais voyager différemment, sortir de ma zone de confort, et avais alors pour unique certitude le choix du moyen de transport principal: mes pieds. Ce n’est que quelques semaines avant mon départ que me vint l’envie d’explorer un des chemins menant à St-Jacques-de-Compostelle.

En tant que non-croyant, cette idée me paraissait au début un peu absurde. Mais quelques recherches suffirent pour aller audelà de mes préjugés et l’envie d’arpenter ces chemins si riches culturellement et historiquement s’enracina rapidement en moi. Il me restait alors quelques semaines pour acheter de bonnes chaussures et le matériel nécessaire pour randonner pendant plus de 50 jours. Comme mon objectif était de dor mir dans des gîtes et sous tente, mon sac pesait près de 15 kilos. N’ayant plus marché pendant plusieurs jours depuis mon enfance et n’ayant jamais campé, on peut dire que j’étais complètement sous-préparé.

Un départ douloureux

Le samedi 20 avril, je pris le train avec mon gros sac à dos pour le Puy-en-Velay via Genève et Lyon. La dernière heure du trajet, le long de la Loire, fut particulièrement belle. J’arrivai au Puy en milieu d’après-midi et, complètement déboussolé, me mis en quête d’un gîte. Ceci fait, j’achetai quelques provisions avant de visiter la ville et sa magnifique cathédrale. Je fis la connaissance de deux jeunes français de mon âge qui dormaient au même endroit que moi et s’élançaient pour deux semaines de randonnée. Au matin, après avoir fait tamponner notre Crédentiale –le passeport pour pèlerin·es –, nous prîmes la Via Podiensis (le chemin pour St-Jacques partant du Puy) ensemble jusqu’à la mi-journée. La marche fut très joyeuse et c’est avec regret que je me séparai d’eux après avoir échangé nos contacts.

Les difficultés apparurent au deuxième jour déjà; mon corps me fit payer cher mon manque de préparation et le poids de mon sac. Heureusement, à la fin de mon deuxième jour, je partageai le dortoir avec une adorable famille de La Chaux-de-Fonds qui me prodigua des soins de base et m’offrit de précieux conseils.

Le premier tronçon, de Puy à Conques, est incontestablement l’un des plus beau et plus sauvage de cette voie, bien que très accidenté; on y traverse des villages magnifiques tels St-Côme-d’Olt ou Estaing. Mais la météo me joua des tours: si je pu quitter le Puy en short et t-shirt, je dus rapidement affronter la pluie, le froid, la grêle et la tempête. Je me souviendrai longtemps de mon dernier jour sur l’Aubrac et de mes affaires détrempées…

Matos en moins, bières en plus

Pour la deuxième partie, entre Conques et Cahors, j’empruntai une variante passant par la vallée du Célé, la grotte du Pech Merle et le village de St-Cirq-Lapopie – une excellente idée au vu de la beauté de ces différents lieux. Je profitai de la présence d’un office postal à St-Cirq-Lapopie pour renvoyer ma tente, mon matelas et quelques broutilles et mes soucis physiques disparurent après quelques jours. Je m’étais servi une seule fois de la tente en deux semaines. Les gîtes offrent plus de confort, ils sont abordables et permettent de faire de très belles rencontres.

Depuis Cahors, le chemin continue à travers la campagne et traverse ainsi les villages de Lauzerte, Auvillar, ainsi que les villes de Moissac et Condom (sortez couvert), où l’un des amis français rencontrés le premier jour me logea pendant deux nuits. De là, pressé par le temps, je pris le bus sur 80 kilomètres jusqu’à Aire-sur-l’Adour. J’évitai ainsi un passage réputé ennuyant et il ne me fallut plus qu’une dizaine de kilomètres pour arriver vers le magnifique Pays Basque et apercevoir la silhouette des Pyrénées. C’est à ce moment que je fis la rencontre d’un Autrichien de mon âge avec lequel je marchai pendant une quinzaine de jours. Grâce à lui, mon voyage prit une tournure plus vacancière. Elles faisaient du bien, ces bières partagées sur les terrasses des différents villages-étapes.

Au-delà des Pyrénées

Après une derrière étape pluvieuse, on arriva enfin à St-Jean-Pied-de-Port, dernière étape française. Quel choc! Si les quelques pèlerin·es rencontré·es jusque-là étaient en bonne partie des Français·es d’un certain âge, cela ne fut plus le cas ensuite. Ce village est en effet un point de départ pour de nombreuses personnes de toute origine et de tout âge. Corée, Italie, Allemagne, Amérique, Nouvelle-Zélande, Australie – le mélange était fascinant. Les gîtes devinrent également plus «industriels» et il fallut faire preuve de patience et de tolérance, notamment pour l’utilisation des douches ou de la cuisine.

Après des jours à voir la chaine des Pyrénées se rapprocher, leur franchissement se fit presque trop rapidement. Une rude étape (plus de 1200 mètres et quelques flocons au sommet) permit de passer la frontière avant de redescendre à Roncevaux, premier arrêt espagnol. Le chemin en Espagne est différent en bien des aspects; les villes y sont plus grandes et certains passages peuvent être vraiment désagréables. Mais le moral reste toujours bon. On traverse les belles villes de Pampelune, Logroño (région du Rioja) et Burgos et quelques jolis villages. J’y ai vécu des soirées mémorables avec des amies de trois continents différents.

Arrivée pénible et baignade dans l’océan

À Burgos, je repris le bus sur 220 kilomètres pour dépasser León après l’avoir brièvement visitée. S’en suivirent plusieurs jours de longues étapes magnifiques avec la traversée de la Cordillère Cantabrique et le point culminant du périple (à plus de 1500 mètres) jusqu’à l’arrivée en Galice. Les derniers 100 kilomètres furent franchement décevants et éprouvants, non pas en raison de la difficulté du chemin, mais plutôt des (trop) nombreux-ses pèlerin-es ne parcourant que les trois dernières étapes. Les paysages n’y sont pas non plus exceptionnels.

J’arrivai complètement trempé à St-Jacques le 7 juin, me réjouissant déjà de rejoindre mon but ultime: l’océan. Les quatre derniers jours furent splendides. Ma baignade dans l’océan à Muxía reste l’un des meilleurs moments de cette aventure.

La vie sur le chemin est plus facile en bien des aspects. Je me suis toujours senti heureux de prendre la route le matin, de faire des rencontres et d’être souvent seul avec les paysages. On y vit dans une bulle où les gens se parlent plus facilement et semblent plus ouverts. Bien que les raisons du voyage diffèrent, tout le monde partage ce plaisir de marcher. Je ne suis pas revenu de ce voyage plus croyant, mais peut-être plus ouvert et plus enclin à sortir de ma zone de confort. Ce voyage m’a plongé dans un état de bien-être qui a duré plusieurs mois et qui m’a rendu impatient de repartir bientôt sur d’autres sentiers.

Guide pratique: Via Podiencis puis Camino Francés

Accès: en train via Genève et Lyon jusqu’au Puy-en-Velay.

Hébergement: nombreux gîtes pour pèlerin·es tout au long du chemin. Il est recommandé de réserver quelques jours à l’avance du côté français. Du côté espagnol, les grands gîtes d’étapes ne sont pas réservables (premier arrivé, premier servi). Il existe également de nombreux gîtes privés. Compter de 10 à 20 € pour une nuit en France et 5 à 20 € en Espagne. Du côté français, privilégier les gîtes en demi-pension si vous en avez les moyens. C’est l’occasion de déguster de délicieux repas locaux. Attention: il est nécessaire d’avoir une Crédentiale pour loger dans les gîtes.

Mes conseils: admirer l’illumination du tympan de la cathédrale à Conques. La variante passant par la vallée du Célé est magnifique. De plus, un petit détour par St-Cirq-Lapopie s’impose. Une fois arrivé à St-Jacques, il me semble essentiel de prendre encore 4-5 jours pour aller à Muxía et Finisterre.

Préparation: la Crédentiale s’achète sur viajacobi4.ch ou un peu partout sur le chemin. Des bâtons de randonnée vous seront d’une grande aide. Ne partez pas sans y être préparé, ça fait mal.

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