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Quand la rue devient un espace de vie

Magazine ATE 3/23  28. Septembre 2023

En pleine ville comme à la campagne, la mobilité dicte les aménagements et influence nos comportements. Afin que l’espace public invite à la rencontre, nous plaidons pour une priorisation de la mobilité piétonne et cycliste, un ralentissement de la vitesse de la circulation et une transformation des espaces vers plus de végétalisation.

Contenu

  • Remettre de la vie dans la rue - Camille Marion
  • Le vélo pour lutter contre les crises - Martin Winder
  • L’argent ne vient pas en voiture - Nelly Jaggi
  • Interview avec Jade Rudler: «Le rôle de l’urbaniste est d’ouvrir le champ des possibles» - Camille Marion
  • Vous avez dit canopée? - Nelly Jaggi
  • «Même ma maison est compostable» - Nadja Mühlemann

Remettre de la vie dans la rue

Camille Marion

La rue devient conviviale lorsqu’elle invite à s’arrêter. Dans les zones résidentielles, commerciales ou scolaires, une limitation de la vitesse et un meilleur équilibre entre les modes de transport contribuent à améliorer la sécurité – et donc la qualité de vie.

«Remettre de la vie dans la rue.» Fermez les yeux, laissez ce titre infuser dans votre esprit et explorez ce que votre imagination dessine. Peut-être voyez-vous des enfants jouer au ballon, des personnes se rencontrer sur le palier d’un immeuble, une poussette ou un vélo en mouvement. Il est moins probable que vous voyiez une voiture circuler ou stationner dans cette rue mentale. Où il y a de la vie, il y a bien davantage d’êtres humains que de véhicules.

Avec l’avènement de la voiture, les rues de nos villes et villages sont devenues des routes; on ne fait plus qu’y passer. L’urbanisme s’est développé dans une logique du «tout à l’automobile», repoussant les autres formes de mobilité sur le bord de la route. Alors on marche en équilibre sur un étroit trottoir, on pédale dans le frôlement des voitures et on s’inquiète du chemin qui relie le domicile à l’école au point de préférer y conduire ses enfants.

La mobilité fait partie intégrante de notre quotidien; pour le travail comme les loisirs, nous devons nous déplacer. Afin de remettre de la vie dans la rue, il ne s’agit pas de nous condamner à l’immobilité ni de bannir complètement les voitures, mais plutôt de repenser la répartition modale en favorisant la cohabitation entre l’ensemble des moyens de transport. Pour l’instant, la balance est déséquilibrée.

Trouver le frein

leur vitalité, la circulation doit être ralentie. «En limitant la vitesse à 30 kilomètres à l’heure dans les localités, on constate une augmentation notable de la sécurité de l’ensemble des usagères et usagers, encourageant à flâner et à s’arrêter», explique Michael Rytz, spécialiste en sécurité routière pour l’ATE Suisse.

Comme l’ATE, nombre de spécialistes de la mobilité et de la sécurité routière préconisent un changement de paradigme et une généralisation du 30 kilomètres à l’heure en remplacement du 50, à l’instar du bureau de prévention des accidents: «Au moins un tiers des accidents graves pourraient être évités grâce à l’introduction plus systématique de la limite de vitesse de 30 kilomètres à l’heure sans que le gain de sécurité ne porte préjudice à la fluidité du trafic.»

À travers notre pays, les zones 30 sont déjà nombreuses et leur plus-value largement reconnue. Depuis le début de cette année, les communes profitent ainsi d’une simplification de la procédure permettant l’instauration de cette limitation. L’amélioration de la qualité de vie est un argument prépondérant: «Lorsque l’on réduit la vitesse, les nuisances sonores diminuent pour les personnes qui se trouvent dans la circulation mais également pour celles qui habitent à proximité d’axes fréquentés», confirme Michael Rytz.

Où les priorités s’inversent

Si le 30 kilomètres à l’heure est un prérequis en matière de sécurité et de qualité de vie dans les localités, d’autres mesures permettent d’aller plus loin. Ainsi, le slogan «Le 30 est le nouveau 50» est déjà bientôt dépassé, remplacé par «Le 20 est le nouveau 30»: dans les quartiers résidentiels ou les rues commerçantes, les zones de rencontre fl urissent. Avec une limitation à 20 kilomètres à l’heure, elles renversent le rapport habituel entre les moyens de transport en donnant la priorité à la mobilité piétonne.

La première zone de rencontre a été créée en 1996 à Berthoud (BE). À une époque où les préoccupations environnementales se faisaient plus discrètes qu’aujourd’hui notamment en matière d’urbanisme, la mise en place d’une «Flanierzone » relevait d’une audacieuse ambition. Lancé par l’ATE et l’Office fédéral de l’énergie, le projet pilote a pourtant su convaincre notamment grâce à l’implication de la population, des commerçant·es et des différentes tendances politiques dans le processus de planification. Plus de 25 ans plus tard, impossible d’imaginer Berthoud sans sa zone de rencontre.

Une cohabitation fructueuse

En conjuguant les moyens de transport sans interdire la circulation automobile, les zones de rencontre s’accordent particulièrement aux usages d’endroits spécifiques: les centres historiques, les abords de gares ou d’écoles, les zones résidentielles ou commerciales. Dans ces dernières, elles répondent à la crainte des commerces de voir leur clientèle motorisée s’évaporer si la possibilité de se parquer à proximité est supprimée. Les études récentes montrent cependant que contrairement aux idées reçues, une piétonnisation des zones commerciales a un impact positif sur le chiffre d’affaires des enseignes concernées.

La limitation de vitesse à 20 kilomètres à l’heure dans les zones de rencontre ne se traduit pas uniquement par un gain de sécurité pour les piéton·nes et les cyclistes, elle procure également une plus grande marge de manoeuvre dans l’aménagement de l’espace public. Là où les modes de transport cohabitent, on ralentit, on flâne, on s’arrête, on s’assied. Bref, on prend le temps.

Près de trente ans après l’introduction de la première zone de rencontre, le bénéfice sur la qualité de vie n’est plus à démontrer. Lausanne, Berne, Fribourg, Zurich, Genève, Bellinzone, Sion mais aussi Renens (VD), Manno (TI), Brugg (AG), Bremgarten (BE), Schlieren (ZH), Versoix (GE) ou Wald (ZH): il n’est pas surprenant de constater que nombre de communes ont emboîté le pas à Berthoud ces dernières années.

    

La présence d’enfants dans les rues est un baromètre de la qualité de l’espace public. Il faut donc s’intéresser à la mobilité scolaire pour dessiner la ville de demain.

    

Des idées qui s’exportent et s’importent

Une bonne dose d’audace aura été nécessaire pour mettre en place la première zone de rencontre en 1996. Le succès s’est rapidement exporté au-delà des frontières suisses, signe de son adaptabilité à de nombreux contextes. Il faudra tout autant d’audace pour s’inspirer de réussites menées à l’étranger et les déployer sur notre territoire. C’est par exemple le cas des rues scolaires. Alice Gentile, chargée de projet pour le bureau romand de l’ATE, est convaincue du potentiel de cet aménagement: «De nombreuses villes d’Europe ont créé des rues scolaires afin d’améliorer la sécurité aux abords des écoles. La Suisse doit absolument se mettre au diapason.»

Le concept de la rue scolaire tient en une phrase: il s’agit de la fermeture d’une ou plusieurs routes d’accès aux écoles aux heures d’arrivée et de départ des enfants. Une piétonnisation momentanée qui permet d’améliorer la sécurité et d’encourager la marche et le vélo pour se rendre à l’école. Mais pas seulement: «Les rues scolaires ont également un impact de santé publique. Elles permettent d’améliorer la qualité de l’air aux abords des écoles et de promouvoir l’activité physique des enfants», explique Alice Gentile.

Les ingrédients du succès

Les exemples belges, anglais, français, italiens ou canadiens livrent les éléments facilitant la mise en place d’une rue scolaire. Dans l’idéal, elle concerne une école située dans un quartier résidentiel qui n’est pas traversé par des transports publics. Elle comprend une démarche participative intégrant les enfants, les parents, le corps enseignants ainsi que la population. «Une phase test d’au moins six mois est indispensable pour observer les conséquences concrètes sur la mobilité, adapter l’aménagement si besoin et convaincre les éventuelles personnes réticentes», complète Alice Gentile.

Quelques communes suisses se lancent timidement dans la création de rues scolaires, conscientes du gain potentiel pour la sécurité et la qualité de vie. Forte de son expertise en matière de mobilité des enfants ainsi que ses échanges avec des associations étrangères et des réseaux internationaux, l’ATE les accompagne dans la démarche.

Les enfants comme indicateur

Lorsque les enfants vont à l’école à pied ou à vélo, le trafic automobile et le phénomène des parents-taxis diminuent, rendant les cheminements piétons plus sûrs. En conséquence, le sentiment de sécurité augmente, rassurant les parents qui laissent volontiers leurs enfants aller à l’école à pied ou à vélo, etc. Le cercle vertueux induit par les rues scolaires profite à l’ensemble des usagères et usagers des axes concernés: moins de bruit et de pollution, plus de sécurité et de qualité de vie aux abords des écoles.

La présence d’enfants dans les rues est un baromètre de la qualité de l’espace public. C’est pour cette raison qu’il est important de s’intéresser à la mobilité scolaire pour dessiner la ville de demain. Lorsque la rue devient un itinéraire sécurisé ou un espace de jeu pour les plus jeunes, c’est que son aménagement est réussi. Et lorsque les éclats de voix des enfants remplacent le bruit des voitures, c’est que la vitalité de l’espace public se porte bien.

    

Le vélo pour lutter contre les crises

Martin Winder

Les changements climatiques, la menace de pénurie d’énergie ou la pandémie de Covid-19 ont des effets sur notre mobilité. Une structure d’habitat à petite échelle, où le vélo joue le premier rôle, rend le système de transports plus résistant.

Comment rendre le trafic résistant aux crises? En regard des changements climatiques, de la menace de pénurie d’énergie ou de la récente pandémie de Covid-19, cette question est plus pertinente que jamais. Pour l’ATE, il ne fait aucun doute qu’après nos pieds, le vélo est le moyen de transport le plus résistant aux crises. Léger, pas cher, il ne pollue pas et prend peu de place. Pédaler ne demande que de la force musculaire ou, parfois, de l’électricité. Et même si une bonne infrastructure cycliste est souhaitable, un chemin non goudronné fait aussi l’affaire.

Les voitures, elles, ont besoin de carburant ou d’électricité. L’énergie nécessaire aux moteurs à combustion est importée par pipeline, train ou bateau. En raison de la crise climatique, la fiabilité des transports fluviaux diminue. En été, le niveau du Rhin baisse régulièrement au point de contraindre les tankers à alléger leur chargement. L’an dernier, la Confédération a dû puiser dans ses réserves pour garantir l’approvisionnement. La Suisse dépend ainsi des pays producteurs de pétrole, où règnent souvent des régimes dictatoriaux.

    

Même pour les trajets les plus courts, de 1,1 à 2 kilomètres, la voiture prime sur le vélo.

    

Les voitures, elles, ont besoin de carburant ou d’électricité. L’énergie nécessaire aux moteurs à combustion est importée par pipeline, train ou bateau. En raison de la crise climatique, la fiabilité des transports fluviaux diminue. En été, le niveau du Rhin baisse régulièrement au point de contraindre les tankers à alléger leur chargement. L’an dernier, la Confédération a dû puiser dans ses réserves pour garantir l’approvisionnement. La Suisse dépend ainsi des pays producteurs de pétrole, où règnent souvent des régimes dictatoriaux.

Tout à 15 minutes

Le vélo est armé pour faire face aux nombreuses crises imaginables. Une part plus importante de trafic cycliste (et piéton) renforce l’ensemble du système de transport. À cet égard, la structure du milieu bâti est déterminante pour le comportement de mobilité de la population. Dans la ville dite des 15 minutes, les trajets quotidiens pour se rendre au travail, faire ses courses ou les loisirs peuvent être effectués en un quart d’heure à pied, à vélo ou en transports publics. Ce résultat est le fruit d’un aménagement du territoire favorisant les courtes distances, d’une infrastructure cyclable bien développée et sûre ainsi que d’une offre de transports publics adaptée. Trois quarts de la population suisse vivent aujourd’hui dans en milieu urbain, des conditions idéales pour la ville des 15 minutes.

Trop de trajets en voiture

En Suisse, nombre de localités ont une piscine en plein air, généralement accessible en 15 minutes à vélo. Bien que la majorité de la clientèle vive à proximité, les parkings sont vite bondés lors des belles journées d’été. Un coup d’oeil au microrecensement sur les transports confirme que le vélo joue encore un rôle trop limité sur les courtes distances (voir le graphique en page 5): dans 44 % des sorties, à savoir une succession de trajets qui commencent et se terminent au domicile, la voiture est le moyen de transport principal. Ainsi, 38% des trajets de 3,1 à 5 kilomètres sont effectués en voiture. Même pour les plus courts, de 1,1 à 2 kilomètres, la voiture prime sur le vélo (8 % contre 11 %).

La résilience de notre mobilité et de notre approvisionnement en biens de consommation dépend de nombreux facteurs. Seule une crise peut révéler le degré de résistance du système. Grâce aux énergies renouvelables et à un aménagement du territoire favorisant les trajets courts entre les lieux d’habitation, de travail et d’achat, nous réduisons la consommation d’énergie et la dépendance aux moyens de transport énergivores.

Martin Winder est chargé de projets en politique des transports à l’ATE Suisse. Il habite à proximité d’une piscine où les supports à vélos sont souvent vides et les places de stationnement pleines.

    

L’argent ne vient pas en voiture

Nelly Jaggi

C’est la question centrale qui se pose aux rues commerçantes des centres-villes: quelle est l’influence du moyen de transport utilisé sur le montant que la clientèle est prête à dépenser? Jetons un coup d’oeil aux études existantes.

En Suisse, beaucoup de cheminements sont courts, comme le montre le graphique de la page 5 et l’article sur la page d’en face. Malgré tout, la voiture reste dominante – tant dans le choix du moyen de transport, que par sa présence dans l’espace public. C’est précisément en ville, là où la place est limitée, que des alternatives s’imposent. Nombre d’exemples à l’étranger nous montrent la pertinence de libérer les centres-villes de la voiture. Les critiques viennent surtout des milieux commerçants. Dans les faits, est-ce vraiment un problème si le centre-ville est (en partie) fermé au trafic motorisé? Diverses études récentes abordent cette question.

 

Dans les faits, est-ce vraiment un problème si le centre-ville est (en partie) fermé au trafic motorisé?

Objectivité contre subjectivité

L’association Mobilité piétonne Suisse a examiné l’attractivité des rues marchandes de six villes de Suisse romande (Bulle, Carouge, Fribourg, Lancy, Vevey et Yverdon-les-Bains). L’étude visait notamment à répondre à la question: d’où viennent les gens qui déambulent dans la rue et quel moyen de transport ontils utilisé? Parallèlement, les commerces ont été invités à estimer la proportion de leur clientèle qui a fait le déplacement en voiture. Il en ressort que les commerces surestiment largement la proportion de clientèle se déplaçant en voiture. Dans les six rues marchandes passées à la loupe, les personnes qui s’y sont rendues à pied représentent le double (46 %) de celles qui ont fait le déplacement en voiture (23 %).

De même, il en est ressorti que les commerces du centre-ville sont en majorité fréquentés par la population locale. En conséquence, les auteurs et autrices de cette étude recommandent de bien soigner cette clientèle potentielle. Sachant qu’un tiers des achats est le fruit d’une décision spontanée, il est d’autant plus important qu’on ait plaisir à s’attarder. La majorité de ces personnes font de petits achats transportables dans un cabas.

Effet positif

Une étude de Berlin a livré des résultats comparables. Là, les commerces estimaient que 21,6 % de la clientèle s’y rendait en voiture. Or, selon l’enquête menée, la proportion n’est que de 6,6 %. Plus une personne a l’habitude de se déplacer en voiture, plus elle a tendance à penser qu’il en va de même pour l’ensemble de la clientèle.

Une étude de Zurich montre, quant à elle, qu’un trafic motorisé réduit a une influence positive sur le commerce local: le chiffre d’affaires des rues marchandes à faible trafic motorisé est presque le double que celui des rues sans restriction. C’est d’ailleurs aussi l’avis qu’ont exprimé des représentantes et représentants des commerces lors d’un colloque organisé par la Fondation Suisse des Transports. Pour certaines prestations dans la gastronomie et le commerce de détail, le trafic réduit est économiquement profitable. À l’inverse, pour le secteur de l’ameublement, notamment, un accès dûment réglementé est une question de survie économique.

Flâner plutôt que parquer

Exprimée en chiffre d’affaires, la clientèle qui s’y rend en voiture représente à peine 10 %. Autrement dit, les rues marchandes qui invitent à la balade, à la détente et aux emplettes sont plus lucratives. Malheureusement ces constats positifs et encourageants ne résolvent pas un problème bien plus tenace: la tendance persistante aux centres commerciaux implantés «en rase campagne» qui représentent une partie considérable du chiffre d’affaires de l’ensemble du commerce de détail et qui sont entièrement orientés vers une clientèle motorisée.

Partout où des concepts de modération du trafic ont été mis en place, ils donnent satisfaction et la majorité des gens ne souhaite pas revenir en arrière, à la condition que l’offre en infrastructure piétonne et cycliste soit bonne et les transports publics performants. Un accès limité aux véhicules à moteur permet déjà d’améliorer grandement la qualité du séjour dans l’espace public. Plus les rues marchandes seront attractives, meilleures seront les chances des commerces – et du recours à la mobilité douce pour les petits déplacements.

    

«Le rôle de l’urbaniste est d’ouvrir le champ des possibles»

L’atelier OLGa, bureau d’urbanisme basé à Renens (VD) invite les utilisateurs et utilisatrices de l’espace public à repenser leurs lieux de vie et de passage en y installant des aménagements temporaires – qui souvent se pérennisent. Interview avec Jade Rudler, co-fondatrice.

Vers l'interview

    

Vous avez dit canopée?

Jaggi Nelly

Année après année, les étés sont toujours plus chauds dans les villes. À quoi cela est-il dû, quel rôle joue la politique et comment peut-on y remédier à court ou à long terme?

À la piscine, en été, les enfants apprécient généralement de se coucher sur les dalles chauffées par le soleil, en bordure du bassin. Ce qui est agréable pour des gamins claquant des dents, les lèvres bleuies par le froid, est un vrai problème pour l’espace urbain. Les vagues de chaleur toujours plus fortes et fréquentes transforment les villes en fournaises. Les surfaces asphaltées et bétonnées emmagasinent la chaleur. Contrairement à la campagne, l’ombre y est rare et l’air circule moins bien. Avec ses rues asphaltées et ses façades de verre, l’Europaallee de Zurich est un bel exemple d’îlot de chaleur. Là, au soleil, quand l’air ambiant affiche 26°C, le sol, lui, passe à 42°C.

La nuit également, les villes refroidissent moins vite. Selon Météosuisse, la restitution de chaleur induit des températures nocturnes supérieures de cinq à sept degrés par rapport à celles de la campagne environnante. Les nuits tropicales – les nuits où les températures ne baissent pas sous la barre des 20°C – constituent un risque sanitaire, puisque le corps se repose mal.

    

Souvent, l’aménagement de l’espace public est une question politique et le résultat d’une pesée d’intérêts.

    

Initiatives pour contrer la chaleur

Souvent, l’aménagement de l’espace public est une question politique et le résultat d’une pesée d’intérêts. Un instrument politique contre les problèmes de canicule existe: les initiatives «Climat urbain» qui, dans de nombreuses villes, demandent de convertir une partie de la rue en espaces verts. À Berne, par exemple, il est prévu, d’ici à 2030, de convertir chaque année 1 % de la rue en lieux de rencontre et espaces de vie favorables au climat. De plus, 0,5 % de l’espace public,par rapport à la situation de 2022, devra être converti en espaces verts.

Mais planter des arbres résoudra-t-il le problème de la chaleur? Un arbre donne de l’ombre et rafraîchit son environnement en évaporant de l’eau. Mais en ville, il n’est pas si facile de planter des arbres. Nombres de places publiques jouent des rôles très particuliers et il n’est pas rare qu’elles recèlent des garages souterrains. Ceux-ci, au moins, ont pour avantage de soustraire les voitures de l’espace piétonnier – ce qui nous renvoie à la question de la pesée d’intérêts.

 

Des mesures à court et à long terme

La construction à neuf ou la réaffectation d’immeubles permet de se montrer proactif. La ville de Zurich a proposé des mesures dans ce sens, applicables aux immeubles et à leurs alentours. Il s’agit, par exemple, de ne pas freiner les courants d’air frais par une disposition défavorable des bâtiments. En renonçant à l’asphaltage, là où c’est possible, le sol absorbera moins de chaleur. Ajouter une couverture végétale aux toits et aux façades permet également de lutter contre la chaleur, tout en donnant un petit coup de pouce à la biodiversité.

Il est aussi possible d’agir directement sur les arbres existants, comme le montre la ville de Genève, en réduisant fortement la taille des arbres. Ainsi, elle escompte une augmentation de l’ordre de 250 % de la surface ombragée ces prochaines années. La tactique vaut aussi pour la piscine: quand leurs dents ne claquent plus, les enfants apprécient aussi, tôt ou tard, l’ombre d’arbre.

 

Flâneur d’Or 2023

Le Flâneur d’Or récompense des projets remarquables en faveur de la mobilité piétonne. Pour l’édition 2023, une soixantaine de projets variés et bien documentés ont été déposés dans toute la Suisse. Des concepts, des réaménagements de places ou des réorganisations montrent comment des déserts de béton deviennent des espaces qui invitent à séjourner dans l’espace public. La remise des prix aura lieu le 6 octobre.


Informations: www.flaneurdor.ch

 

    

«Même ma maison est compostable»

Nadja Mühlemann

Des immeubles respectueux du climat au milieu d’une oasis de jardins, ça existe: dans une commune de la campagne soleuroise, Ueli Flury s’engage pour l’habitat durable et le vivre ensemble.

Est-ce un luxe réservé aux espaces urbains que d’imaginer une coopérative d’habitation sans voiture, bien desservie par les transports publics et dotée d’offres attrayantes pour les familles comme l’ensemble des locataires? À Deitingen, dans le canton de Soleure, le projet de Ueli Flury prouve le contraire. Sur sa parcelle se trouvent une ferme, une maison en argile et une bâtisse familiale en construction.

Des règles claires s’appliquent à la détention et au parcage des voitures, décrites dans un plan de mobilité déposé auprès de la commune. Le terrain est équipé d’un abri-vélo et de bornes de recharge pour vélos électriques. Pour les achats d’une certaine ampleur, les habitantes et habitants peuvent se servir d’un vélo cargo en partage. Et si une voiture s’avère malgré tout nécessaire, une petite voiture à hydrogène est à la disposition de tous les ménages.

Que des avantages

Samuel Bernhard, responsable du projet Plateforme Habitat à stationnement réduit de l’ATE, a développé le plan de mobilité pour la «Maison Flury», conjointement avec Joel Flückiger, architecte de Studio OU Sàrl: «Alors que les lotissements sans voitures sont bien connus en ville, la Commission de construction de Deitingen se trouvait devant une page blanche.» Bien qu’à la campagne «l’habitat sans voiture» soit encore largement inconnu, les chances de succès étaient malgré tout bonnes. «Il a fallu convaincre le dicastère municipal compétent des avantages qu’apporte une diminution des voitures dans le village: davantage de sécurité sur le chemin de l’école, plus de place pour les espaces de rencontre et moins de bruit. Et il a fallu démontrer comment la réduction des places de parc allait se concrétiser.»

    

«Il a fallu convaincre le dicastère municipal compétent des avantages qu’apporte une diminution des voitures dans le village.»

Samuel Bernhard

    

Imbattablement écologique

Pour Ueli Flury, l’habitat fait partie de son engagement pour une vie durable. Depuis 2009, il vit dans une maison d’argile dont l’ensemble des matériaux de construction – pierre naturelle, argile, paille et bois – proviennent d’un rayon de moins de dix kilomètres. «Compte tenu de la construction, de l’ameublement et du recyclage des matériaux, cette maison consomme environ le tiers d’une maison certifiée Minergie», note fièrement Ueli Flury. Une troisième maison est en construction à côté de l’ancienne ferme et de la maison d’argile: un bâtiment entièrement composé de bois suisse, isolation comprise.

Il explique encore qu’une pompe à chaleur de nappe phréatique approvisionne les trois bâtiments en chauffage durable. L’installation photovoltaïque des toits couvre les besoins en courant. L’eau potable, elle aussi, n’est pas dilapidée: une roselière de purification des eaux ménagères alimente les chasses d’eau des toilettes.

Ueli Flury a créé un petit paradis. La courette entre les épais murs de bois et d’argile de la nouvelle construction et la ferme mène directement à l’oasis de verdure, espace de rencontre meublé de bancs et de tables de jardin. Un parfait exemple d’habitat durable à la campagne. Un des trois nouveaux appartements est déjà attribué à une famille qui s’y installera en novembre prochain.

L’ATE vous conseille

Le plan de mobilité de la «Maison Flury» a été établi par la Plateforme Habitat à stationnement réduit de l’ATE. Créée en 2014 avec l’aide financière de la Confédération, elle a pour but d’épauler les maîtres d’ouvrage et les communes dans la planification d’habitats avec moins de places de parc.

Informations: www.habitat-mobilitedurable.ch

 

Nadja Mühlemann est chargée de projets à l’ATE Suisse et se passionne pour les projets novateurs comme celui-ci.

    

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